GENS DE TROISGOTS...
Gens de Troisgots, vous pouvez choisir votre côté de la rue…
La chapelle sur Vire. Hameau d’un bocage très tranquille, endormi dans sa grandeur passée. Lieu de ferveur populaire. Aujourd’hui quasiment déserté. Grandes et solides bâtisses. Des chambres, des lits, beaucoup, des lits vides, des salles. On aperçoit par les fenêtres les pieds des chaises renversées sur les tables attendant de revenir à la vie ordinaire, à leurs raclements sur le sol, attendant que reviennent les bruits de fourchettes et de conversations.
Lieu d’accueil pour migrants ? Comment ne pas y penser ? Les cuisines, les chaudières, les douches, toutes les choses sont prêtes…
Et les gens ? les esprits ? les cœurs ?
C’est plus compliqué. Les gens de Troisgots ont connu la guerre. Ils ont été solidaires. Certains se souviennent… Pendant la guerre Jeanne dans sa ferme, accueillait les réfugiés de Saint-Lô, faisait le pain pour tout le monde. Ensemble en 44, gens de Troisgots et réfugiés ont dû fuir. Au hasard la mort frappa le long de la cohorte des gens et des charrettes fuyant sous les bombes, tuant adultes ou enfants jusque dans les bras de leurs parents. On se souvient d’eux.
J’ai toujours été admirative de cette commune qui garda longtemps l’esprit de solidarité né pendant la guerre. Jusque dans les années 60, tous les travaux des champs se faisaient de ferme en ferme en grandes corvées joyeuses. On s’en souvient.
Ils ont leurs raisons ceux qui manifestent contre l’accueil des migrants. Ils ont peur et c’est dans l’air du temps. Ils ressentent de l’injustice et l’époque est à la plainte. Bien orchestrée, la plainte règne sur les ondes. Ils sont si redoutables, si irresponsables et si nombreux ceux qui engrangent les bénéfices de nos peurs et de nos frustrations…
Pourtant vivant avec les mêmes peurs on peut choisir de manifester d’un côté ou de l’autre de la rue. On peut choisir le côté du courage et de la dignité. Le courage n’est pas que la vertu des héros. Il commence souvent par la nécessité de continuer à vivre normalement, prendre le train ou le métro, conduire ses enfants à l’école en taisant ses craintes, aller à la messe, à une foire, se promener sur le halage… Est-ce que le courage des gens des villes est au-dessus de nos forces, gens du tranquille bocage ?
Pouvons-nous vraiment accueillir les migrants qui fuient la guerre avec des banderoles hostiles, des feux de pneus, des barricades de détritus ? Sans la moindre gêne ? Sans honte, au fond de soi ? Avons-nous perdu à ce point le sens de la plus simple humanité et de la dignité ?
Jean et Janine Mesnildrey
Ce texte est publié avec l'accord de ses auteurs eux mêmes habitants du bocage saint-lois, vous pouvez le diffuser.